L’irrégularité du licenciement fondé sur des témoignages anonymes
-En cas de contestation du licenciement, le juge du travail est chargé d’apprécier la régularité de la mesure en étudiant les éléments invoqués par l’employeur.
La justification de la mesure par l’employeur peut se décliner librement sous différentes formes : correspondances, résultats, constatation d’une infraction, témoignages divers (collègues, direction, prestataires, clients).
La question de la validité du licenciement se pose particulièrement lorsque l’employeur se fonde sur des témoignages anonymes.
La production par l’employeur de témoignages anonymes est-elle suffisante pour justifier la mesure de licenciement ?
Dans un arrêt rendu le 04 juillet 2018 (n° 17-18.241), la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes.
En l’occurrence, la procédure de licenciement a été diligentée à la lumière d’un rapport de la direction de l’éthique de l’entreprise à l’intérieur duquel des témoignages anonymes pointaient le comportement fautif du salarié dans l’accomplissement de sa fonction.
La cour d’appel a considéré que l’atteinte aux droits de la défense fondée sur le caractère anonyme des témoignages recueillis par la direction de l’éthique n’est pas justifiée dans la mesure où le salarié a eu la possibilité d’en prendre connaissance et de présenter ses observations.
De son côté, la Cour de cassation écarte ce raisonnement au visa de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme consacré au droit à un procès équitable : les témoignages anonymes ne sont pas suffisants pour justifier la régularité de la procédure de licenciement et du licenciement en découlant.
Cette décision se conjugue parfaitement avec la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation qui milite pour une énonciation dans la lettre de licenciement des motifs précis, c’est-à-dire matériellement vérifiables (Cass. Soc., 14 mai 1996, n° 93-40.279).
En effet, il n’y a rien de plus imprécis et matériellement invérifiable qu'un témoignage anonyme produit à l’appui d’une mesure de licenciement. Le salarié n’est pas en mesure de préparer utilement sa défense. Il n’est pas plus en mesure de s’assurer que la personne qui témoigne, à supposer qu’elle existe vraiment, était bien présente au moment des faits dénoncés.
C’est pourquoi il est conseillé à l’employeur, comme au salarié, de produire des témoignages respectant les conditions formelles posées à l’article 202 du code de procédure civile relatives à l’identité de l’auteur de l’attestation : mention des nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.
Jérémy DUCLOS
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit du travail
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